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le rôle stratégique du manipulateur dans l’innovation en imagerie

C’est un rôle méconnu du grand public, et pourtant tous ceux qui ont déjà fait une radio, un scanner, une IRM ou une scintigraphie, ont eu affaire à eux : les manipulateurs en imagerie médicale. 

Dans le monde de la radiologie, l’importance stratégique des manips n’est plus à démontrer. Véritables alter ego des médecins, autant soignant que technicien, ils sont le premier et principal contact avec les patients. De leur maîtrise de l’outil d’imagerie dépend la qualité des images, leur précision et leur bonne lisibilité, indispensables pour un diagnostic et une prise en charge de qualité. Au même titre que les médecins, ils sont donc en première ligne de la révolution de l’intelligence artificielle. Retour d’expérience avec deux experts.

« Diviser par deux le temps d’acquisition »

Image avec le titre "le role stratégique du manipulateur dans l'innovation en imagerie"

Eric Lévêque, Cadre Manipulateur Radio Clinique du sport à Paris (75)

J’exerce ce métier depuis plus de 30 ans, et je fais exclusivement des IRM depuis 1987. J’ai eu la chance de voir évoluer ce métier dans sa pratique mais aussi ses résultats. Je suis spécialisé dans l’imagerie ostéoarticulaire, avec beaucoup de traumatologie du sport et vois passer de nombreux sportifs de haut niveau. La première prescription d’IRM en France, c’est l’imagerie du sport. A la Clinique du Sport, nous comptons cinq radiologues, trois manipulateurs IRM et six manipulateurs scanner/radio.

Il y a eu deux phases de pénurie de manipulateurs, dans les années 90 et aujourd’hui. Il y a un manque de connaissance de ce métier. Personne ne sait qui fait les radios, c’est pourtant le point névralgique de la médecine. Aucun chirurgien n’opère plus sans imagerie médicale. Nous sommes le premier contact humain du patient, après la secrétaire, notre rôle est essentiel pour aider à vaincre l’appréhension de la machine. 

Le moment le plus important d’une IRM intervient avant d’entrer dans la machine. Nous devons nous assurer que le patient peut le faire, expliquer la durée de l’examen, que la machine fait du bruit, etc. Le lien avec le patient est très fort.

L’apport de l’intelligence artificielle est de deux ordres. D’abord pour le diagnostic.  Le manipulateur peut comprendre tout de suite la pathologie qui a été découverte. A terme, il faudrait qu’une application comme celle d’Incepto soit installée à la fois chez les radiologues et chez les « manip ». Cela leur permettra de progresser, de valoriser leur travail et d’être plus sereins.

L’IA va aussi permettre d’améliorer la qualité d’image, ou de pouvoir réduire le temps en machine pour un résultat identique. C’est jusqu’à 50% de gain. Pour des patients hyper angoissés, cela change tout. Sans parler des douloureux. Récemment, j’ai eu un patient opéré du dos, hyperalgique avec hématome post-opératoire. Il avait les larmes aux yeux avant même qu’on l’installe sur le brancard. On a réussi à faire son rachis en 6 minutes 30 au lieu de 11 minutes 30. Sans l’IA, il aurait fallu faire un choix dans les séquences. Là, on a pu faire un examen complet, exhaustif et de qualité, trois plans dans deux couleurs.

Nicolas le Calvez, Manipulateur radio dans le service de scintigraphie au Centre Cardiologique du Nord, à Saint-Denis (93)

C’est un métier mal connu, c’est vrai. A ma sortie de formation, il y a une petite dizaine d’années, c’était difficile de trouver une place. Aujourd’hui, c’est tout l’inverse, on manque de manipulateurs alors que la demande d’examens ne cesse d’augmenter.

Je me qualifie comme un technicien en imagerie mais je suis avant tout un soignant. En médecine nucléaire, nous faisons systématiquement une injection de produit radiopharmaceutique afin de réaliser l’imagerie. Nous accueillons le patient, l’interrogeons et réalisons l’injection, puis vient ensuite l’acquisition des images grâce à nos machines. Il y a un aspect technique important car il faut savoir maîtriser sa machine, mais il ne faut pas négliger l’aspect relationnel entre le soignant et le patient.

Notre service est l’un des centres de référence pour la cardiologie nucléaire, mais nous réalisons de nombreux autres examens en scintigraphie conventionnelle et aussi en TEP.

L’arrivée de l’intelligence artificielle nous a permis de modifier nos pratiques au quotidien et pour le moment nous l’utilisons pour les examens TEP. 

Avant l’IA, un examen TEP normal prenait entre 15 et 20 minutes contre 9 minutes aujourd’hui.

Nous avons été le premier service de médecine nucléaire en France à utiliser la technologie IA. 

Cela nous permet soit de diminuer la dose injectée au patient, soit de diminuer le temps d’acquisition des images, ou bien les deux.

Grâce l’IA, les patients restent moins longtemps sous la caméra, leur permettant un meilleur confort pendant l’examen tout en ayant des images de qualité équivalentes à un temps d’examen avant IA.

Un exemple concret : Sur un patient de 27 ans ayant fait un arrêt cardiaque et présentant de grosses séquelles cérébrales, très agité et difficilement mobilisable à qui nous devions faire un TEP, l’IA nous a permis de diminuer le temps d’acquisition sous la machine, et ainsi d’avoir une imagerie de qualité afin de répondre à cette demande.

Sans compter de nombreux autres cas cliniques où les patients sont agités, claustrophobes, douloureux etc. …

Je pense que nous sommes aux prémices de ce que peut nous apporter l’IA, et je suis curieux de voir comment elle pourra être appliquée sur nos autres modalités en médecine nucléaire.