ITW Cyril Thouly, CIO de 3R et Christine Pichon Abarnou
Depuis plusieurs mois, Incepto a déployé ses solutions d’Intelligence Artificielle et engagé des projets de création d’IA au sein du CHU de Rennes et du réseau de radiologie suisse 3R. Les DSI de ces deux structures se sont prêtés au jeu du question-réponse avec nous pour nous parler du nouveau rôle de la DSI dans la transformation des usages et la digitalisation du secteur de la santé dont l’IA est un des plus grands symboles.
Comment la sécurité est-elle devenue un enjeu majeur pour les hôpitaux et cliniques ? En quoi cela a un impact sur la profession de DSI (directeur des systèmes d’information) ?
Christine Pichon Abarnou, DSI sur CHU de Rennes : La sécurité est en effet devenue un sujet de premier plan pour nous, en lien avec des exigences règlementaires de plus en plus fortes et la multiplicité d’occurrence des incidents CYBER. La nécessaire montée en gamme de la sécurisation du SI a désormais un impact sur le travail de tous les membres de notre équipe et ce n’est plus seulement l’affaire du RSSI, comme cela a longtemps été le cas. A cela s’ajoute la menace croissante des cyberattaques : en 2020, on en a denombré 3 desCH cette année , et pour l’année 2020 34 mises en danger patient résultant de ces incidents sont rapportés. A Rennes, même si nous faisons partie des établissements très actif sur la sécurité, cet aspect est devenu un sujet de préoccupation quotidien. Le numérique est intrinsèquement porteur de nouvelles vulnérabilités auxquelles nous, les DSI, et nos équipes devons faire face.
Cyril Thouly, DSI du réseau de cabinets de radiologie suisses 3R : En effet, la digitalisation des données conjuguée au développement de l’Intelligence Artificielle entraîne des échanges massifs de data qui doivent être protégées. Le travail des DSI a connu une évolution spectaculaire ces dernières années, notamment en matière de sécurité des réseaux où les équipes sont sans cesse renforcées et de plus en plus expertes. Objectif : anticiper les attaques possibles et protéger les données. Nous avons l’exigence de mettre en œuvre un système de protection toujours à jour techniquement, ce qui suppose une maîtrise parfaite du sujet.
Comment protégez-vous les données personnelles dans le cadre règlementaire ? Est-ce un sujet sensible quand on aborde l’IA ?
Cyril Thouly : A terme, pour assurer au maximum la sécurité des data, je pense que nous allons aller vers la technologie type blockchain, déjà en vogue dans d’autres secteurs. L’IA a mis à jour cette problématique sécuritaire puisqu’elle nous enjoint d’envoyer des données patient à l’extérieur de notre réseau, vers un serveur qui les analyse puis nous renvoie un diagnostic. Multiplier les liens avec des tiers est un véritable défi que l’IA nous impose. Nous devons lutter contre les risques d’attaque qui sont accrus : de ce fait, l’architecture réseau devient un sujet central pour nous. Comme dans une forteresse nous tentons de limiter au maximum les points d’entrée dans notre système et nous mettons en œuvre un cryptage de pointe.
Christine Pichon Abarnou : Si, comme pour le réseau 3R, protéger les données en créant des passerelles sécurisées nous semble primordial, le volet R&D pose lui aussi des questions de sécurité des datas. Nous développons ainsi, en partenariat avec Incepto, des algorithmes nouveaux qu’il faut nécessairement entraîner avec des sets des données. Ces derniers doivent être « pseudonymisés » pour garantir le parfait anonymat des patients. Nous sommes donc très attentifs à cet aspect en encadrant précautionneusement la mise à disposition de ces données s’appuyant sur des dispositifs d’échanges cryptés.
Quand vous avez déployé la plateforme d’IA : quelles réticences aviez-vous ? et les équipes internes ?
Christine Pichon Abarnou : L’IA est un sujet à la mode qui véhicule, malgré lui, un grand nombre de clichés et fantasmes. Face à cette nouvelle technologie, les réactions sont, dans un premier temps, très variées, mais, dans la pratique, on se rend vite compte de leur apport indéniable pour les médecins. On assiste ainsi à la naissance d’une médecine augmentée grâce à ce nouveau type d’outils qui, en réalité, sont là pour trouver plus vite et mieux la bonne information et non remplacer les praticiens. Avec l’IA, on redonne du temps aux soignants afin qu’ils puissent ré-introduire plus d’humain et de contact patients dans leur pratique quotidienne. Notre défi, en tant que DSI, est aujourd’hui de proposer des solutions d’IA ergonomiques en les integrant dans le flux de travail quotidien des medecins de manière la plus transparente possible un défi qu’Incepto nous permet de relever grâce à sa plateforme simple et intuitive et au travaux menés avec nos éditeurs de logiciels cliniques
Cyril Thouly : La collaboration avec Incepto a, pour nous aussi, été vraiment déterminante dans le déploiement de l’Intelligence Artificielle: on a pu mettre dans les mains de nos radiologues plusieurs applications en intégrant une seule et unique plateforme, ce qui a réduit considérablement les soucis et les contraintes d’ordre technique. L’intégration de la plateforme d’Incepto dans notre environnement a été simple et optimale.
L’accompagnement proposé par Incepto vous a-t-il permis de surmonter des difficultés ?
Cyril Thouly : C’est la première fois que nous intégrons de l’IA dans nos cabinets : nous avons donc découvert au fur et à mesure les étapes nécessaires au déploiement de cette technologie. Incepto nous a bien éclairés sur la marche à suivre et a répondu à toutes nos questions à chaque stade du processus. Nous avions, par exemple, une problématique autour du serveur situé en Irlande, souci qui a rapidement été réglé par Incepto. Les médecins veulent du résultat, moi je voulais un workflow fluide mais surtout sécurisé. Incepto a été très réactif à toutes nos demandes et a mis à notre service les ressources nécessaires pour nous aider à atteindre ces deux objectifs.
Christine Pichon Abarnou : Nous avons des échanges féconds et directs avec les équipes d’Incepto qui offrent une grande écoute et une forte réactivité. La taille considérable de notre structure et la variété des projets mis en oeuvre (de la R&D d’algorithme à l’utilisation de la plateforme d’applis) requiert un sens aigu de la coordination. Nous avons donc mis en place un Copil interne auquel participe activement Incepto pour répondre, en temps réel, à nos interrogations et demandes spécifiques.
L’essor de l’IA a-t-il redéfini le rôle du DSI ? En quoi est-il devenu un maillon clé dans la transformation numérique de l’hôpital ?
Cyril Thouly : Oui, le rôle du DSI a beaucoup évolué ces dernières années, devenant central dans le passage au tout numérique. Nous avons ainsi un surplus de travail et donc des besoins RH accrus. Cela nous a, par exemple, ainsi poussés à externaliser la gestion des serveurs pour nous concentrer en interne sur les applications et le workflow utilisateur. A mon avis, l’arrivée de l’IA n’est pas une révolution mais une pierre de plus dans la digitalisation… les DSI sont devenus de plus en plus indispensables. Demain, l’IA va entrer dans d’autres verticales, hors radiologie, comme le tri des patients, l’optimisation des parcours de soins… et nous devons être au rendez-vous !
Christine Pichon Abarnou : La fonction de DSI revêt désormais un rôle stratégique au sein du l’hôpital. D’une part, parce qu’il touche à la grande majorité des sujets de transformation : on nous inclut très en amont dans la plupart des projets et des innovations au sein du CHU. Mais cela va plus loin : la transformation numérique a, elle-même, un impact sur les métiers de l’hôpital. Dernièrement, le déploiement de la reconnaissance vocale a bouleversé le métier des secrétariats médicaux. La DSI se doit donc de très bien connaître tous les métiers et de se tenir présente en amont et en aval des projets. Nous devons évaluer les impacts de chaque outil numérique sur tous les acteurs du CHU. D’autre part, il nous appartient aussi de prévoir les cas de défaillance de ces outils, ce qui fait partie des probabilités, même minimes. Passer en quelques minutes à d’une gestion au crayon-papier comme cela a été le cas des établissements touchés par les Ransomwares suppose une réelle préparation en amont et des exercices réguliers de mise en situation pour éprouver notre capacité à assurer la continuité d’activité.
Comment se positionne désormais le DSI par rapport aux professionnels de santé ? Quelles nouvelles interactions voit-on émerger entre eux et seront-elles durables ?
Cyril Thouly : Les interactions sont de plus en plus nombreuses avec les médecins même si nos rôles et nos attentes peuvent être différents. Un radiologue va, par exemple, exiger une réelle performance et de la rapidité de la part de l’IA : par exemple, en mammographie, il souhaitera obtenir un résultat en temps réel pour voir s’il doit faire une échographie complémentaire dans la foulée. Pour le même examen, nous, DSI, nous exigeons la sécurité des données et ne pas mettre en péril notre architecture informatique. Il faut donc « challenger » les équipes, se parler beaucoup et régulièrement pour parvenir à conjuguer au mieux ces deux attentes. Pour ma part, la prochaine étape sera de créer des indicateurs pour voir si l’IA a un impact positif sur le workflow et fait gagner du temps aux radiologues. Nous pourrons ainsi fonder nos échanges ainsi sur une base concrète et mesurée.
Christine Pichon Abarnou : Culturellement, les membres de la DSI ont l’habitude de travailler en grande proximité des équipes médico soignantes avec beaucoup de présence sur le terrain. Nous sommes toujours à l’écoute et et devons jongler en permanence avec besoins exprimés par nos utilisateurs, la transversalité nécessaire sur certains sujets tout en maintenant un cap qui exclut la complexité d’usage et de maintenance en limitant le sur mesure .